12.10.2012 / Chat Noir
Iswhat?!
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ISWHAT?! – Things that go bump in the dark
THE SHAPE OF RAP TO COME
Le duo de Cincinnati avait probablement deviné que les gens se poseraient des tas de questions à son sujet en choisissant Iswhat?! comme nom de guerre. Et il faut bien avouer que le groupe reste une énigme irrésolue dans notre époque si codifiée.
Collectif à géométrie variable, gravitant autour du noyau dur constitué du MC Napoleon Maddox et du saxophoniste Jack Walker, Iswhat?! existe depuis le milieu des années 90, même s’il ne décoche sa première flèche discographique qu’en 2004. « You figure it out », sorte de rencontre spatiotemporelle entre Charles Mingus et Public Enemy dans une cave graffitée de Harlem, intrigue alors aussi bien dans les rangs des jazzmen que dans les chambres enfumées des rappeurs. Deux autres disques (« The Life we chose » en 2006, « Big Appetite » en 2009) et quelques collaborations prestigieuses avec Archie Shepp, Chuck D (Public Enemy), DJ Spooky, Fat Jon (Five Deez) ou DJ Spinna, finiront de mettre les choses au clair : Iswhat?! ne réfléchit pas en chapelles, mais cultive une vision globale de la musique. Le duo s’inscrit ainsi dans la Great Black Music, au même titre que ses aînés Rahsaan Roland Kirk, Stetsasonic, John Coltrane, The Last Poets, Doug E Fresh, Nina Simone, Gil Scott-Heron ou Boogie Down Productions…
C’est d’ailleurs très clair lorsque qu’on regarde l’éclectique mais cohérente liste d’invités de ce « Things that go bump in the dark », tous des fidèles depuis des années : à la batterie, le mythique frappeur free Hamid Drake (entendu chez Herbie Hancock, Pharoah Sanders…) ; au sax alto, le Dap King Cocheme'a Gastelum (Sharon Jones, Amy Winehouse…) ; au sax baryton, l’immense Claire Daly (autrefois membre des orchestres de Aretha Franklin et de James Brown…) ; au violon et à la contrebasse, Sam Bardfeld et Tim Kiah (collègues de Napoleon dans le Sotto Voce de Roy Nathanson) ; au mix, la légende Bob Power qui a produit le gotha du hip hop, de D’Angelo à The Roots, en passant par Q-Tip, Common ou De La Soul. Et encore beaucoup d’autres complices moins connus mais tout aussi percutants.
Avec ce nouveau disque, la nébuleuse Iswhat?! franchit un cap et rejoint quelques extraterrestres comme Duddley Perkins, Georgia Ann Muldrow, Build An Ark ou Madlib au panthéon des défricheurs. Comme ces derniers, Napoleon Maddox et Jack Walker ne sont finalement que des jazzmen qui ont continué de chercher ce qui faisait vibrer la rue en produisant une musique nouvelle, à la croisée du hip hop golden age (cf. « Hands Up », « Good Fight »), du spiritual jazz (« Get Up », « Longview », « WTF », « Dawn ») et de la soul cosmique (« Love », « Hurt Me », « Karma », « Nasty »). « Things that go bump in the dark » s’appuie donc sur le passé avec parfois des clins d’œil subtils à ses influences (Genius GZA, Pharoahe Monch, Gravediggaz…) pour mieux se propulser dans l’avenir, mais Napoleon n’hésite pas non plus à citer les films de Luis Buñuel, les tableaux de Salvador Dali ou un roman de David Eggers comme sources d’inspiration directes de ce quatrième opus.
Car en plus de savoir rapper, chanter, beatboxer et faire des beats futuristes, Napoleon Maddox est également un incroyable conteur à la plume aussi affûtée et polysémique qu’un Saul Williams ou un Mos Def. Ses sombres histoires peuvent ainsi souvent être interprétées comme des métaphores du rap game ou de l’humanité au sens large, quand chacun d’entre nous doit combattre au jour le jour ses bas instincts, pour que l’homme ne soit pas qu’un loup pour l’homme.
Encore une fois, Iswhat?! soulèvera plus de questions qu’il n’apportera de réponses. Mais c’est ce qui arrive lorsqu’on regarde devant soi, et non derrière.
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