31.07.2014 / Estivale Open Air
Youssoupha
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Peu de temps avant la sortie de son troisième album, Youssoupha semble serein et décontracté : « J’ai fait l’album que j’avais imaginé », nous explique-t-il. Et l’atmosphère ambiante lui donne bien des raisons d’être confiant : « Noël aura lieu en janvier cette année, le 23 très exactement », dixit certains de ses fans sur Twitter. Rarement un album de rap aura suscité un tel engouement mais au vu des premiers titres dévoilés sur la toile, peut-on réellement être surpris ?
Reprenons les choses dans l’ordre, car Youssoupha n’en est pas à son premier coup d’essai. A l’aube de ses 32 ans, le rappeur congolais, originaire de Kinshasa (RDC), a déjà une belle carrière derrière lui. Arrivé en France à l’âge de 10 ans pour y poursuivre sa scolarité, Youssoupha s’intéresse très tôt à la musique, et au Hip Hop en particulier. Doué pour les études, il jongle entre les cours et sa passion pour les rimes, et devient bachelier, en obtenant la meilleure note de l’Académie de Versailles au bac français. Il s’oriente ensuite vers l’université pour y suivre un cursus littéraire, avant de succomber à ce qui semble être sa destinée : embrasser une carrière d’artiste. Après avoir fait partie de plusieurs groupes durant son adolescence, dont « Les Frères Lumières », qu’il compose avec son cousin de Belgique, et « Bana Kin », avec entre autres Philo, qui deviendra par la suite son bras droit, Youssoupha opte finalement pour un parcours en solo. En 2005, il se fait connaître du grand public grâce à un street CD-DVD, dont le titre éponyme « Eternel Recommencement », ou encore « Anti Vénus » le classeront d’emblée parmi les plumes les plus prometteuses du rap français. Son premier album, « A Chaque Frère », qu’il envisage un temps d’appeler « Négritude », verra le jour en 2007, avec pour morceau phare, « Les Apparences nous mentent ». En 2009, il sort son deuxième album solo, « Sur les Chemins du Retour » ; les morceaux « Itinéraire d’un blédard devenu banlieusard » et « L’Effet papillon », tous deux extraits de cet opus, font désormais partie des classiques du Hip Hop hexagonal. Ces multiples sorties lui vaudront la reconnaissance de ses pairs, et lui permettront d’effectuer de nombreuses collaborations avec les grands noms du rap français : Ol Kainry, Sinik, Médine, Ärsenik, etc. Début 2011, alors qu’il avait déjà entamé la préparation de son troisième essai, Youssoupha décide de changer de stratégie, au vu des morceaux accumulés, et offre à son public la digitape « En Noir et Blanc » (mixtape au format numérique, téléchargeable sur Internet). Ce projet, véritable cocktail d’inédits et de remixes, dont on retiendra les morceaux « Clashes », « Poids plume », ou « Rap Franc CFA », a battu des records de vente pour un format digital, en se hissant à la première place des ventes hip-hop et à la quatrième place des ventes d’albums, toutes musiques confondues sur iTunes, dès le jour de sa sortie. Entre 2007 et 2011, Youssoupha a écumé les salles de concert, et compte désormais plus d’une centaine de dates à son actif, en France comme à l’étranger (Belgique, Suisse, Canada, etc.). La Cigale, l’une des plus prestigieuses salles parisiennes, se souvient encore de son passage légendaire en novembre 2009.
Au gré de ces expériences, Youssoupha a assurément mûri en tant qu’artiste et se trouve aujourd’hui à une période charnière de sa carrière. Plébiscité par le passé pour sa plume aiguisée, il donne désormais le sentiment de maîtriser son art à la perfection. Cependant, la conception du troisième album reste un passage délicat dans la carrière d’un rappeur, souvent partagé entre la volonté de satisfaire son public et l’envie de s’épanouir artistiquement ; le « lyriciste bantou » négocie ce virage à merveille, avec « Noir Désir », un disque à la fois riche, complet et mature.
Le titre de l’album, faisant référence au célèbre groupe de rock français, suscitera la curiosité des moins avertis, mais il permet avant tout à Youssoupha d’introduire le fil conducteur de cet opus : l’amour. Chose peu banale dans le milieu du rap francophone ! « J’avais cette volonté d’aborder le thème de l’amour, de la passion sous tous ses angles et toutes ses nuances, de la joie à la souffrance. D’où le titre de l’album. ». « Noir Désir » est donc composé de 18 titres, dépeignant cette thématique, aussi bien dans ses côtés positifs, que dans ses travers. « C’est pas du rap de rue/c’est du rap d’amour », scande-t-il d’ailleurs à plusieurs reprises.
Parler d’amour n’altère pourtant pas l’esprit revendicatif qui l’anime depuis ses débuts. Son actualité récente et le procès qui l’a opposé à Eric Zemmour l’ont conforté dans ce besoin de dénoncer. L’ex chroniqueur de France 2 l’avait en effet attaqué pour « menaces de crime et injure publique », suite à une pique lancée dans le morceau « A Force de le dire », extrait du deuxième album : « À force de juger nos gueules, les gens le savent, qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards, chaque fois que ça pète on dit qu’c'est nous, j’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce c.. d’Éric Zemmour. ». De cette triste affaire est né « Menace de mort », premier single de « Noir Désir », dont le clip a rencontré un franc succès dès sa diffusion (plus de deux millions de visites à ce jour, sur la chaine Youtube du label de l’artiste) : « Les accusations sont graves, mais comme d’hab on fait avec ! ». Les membres du groupe Sniper, Ekoué de La Rumeur, et Monsieur R, eux aussi victimes d’attaques en justice incriminant certaines de leurs paroles, ont participé à ce titre, désormais estampillé classique : « Suite à ma tribune parue dans Le Monde, je n’avais plus envie de me justifier dans la presse, pourquoi ne pas en faire une chanson ? », nous confie-t-il-il. A noter que la justice a donné raison à Eric Zemmour, et que, suite à cette décision, Youssoupha a fait appel.
Dans la lignée de ses derniers concerts où il était accompagné de musiciens, tout au long de ce disque, Youssoupha a mis l’accent sur la musicalité des productions, en s’efforçant de garder une certaine couleur, une certaine cohérence : « Durant la conception de l’album, j’avais déjà en tête la représentation scénique des morceaux… et celle-ci incluait la présence de musiciens. ». Ses influences congolaises sont mises à l’honneur à travers les morceaux « Noir Désir » et « Les disques de mon père » : il reprend une boucle du morceau « Motto Moindo » du groupe de Kinshasa, le Staff Benda Bilili sur le premier, puis collabore avec le parrain de la rumba congolaise, Tabu Ley Rochereau, qui n’est autre que son père, sur le second. Mais ses influences New Yorkaises (Notorious Big, Nas, Jay-Z) restent clairement identifiables à travers les instrumentaux de Soulchildren, Céhashi ou Kilomaître, tout comme son amour pour sa discipline, le rap français : « Un jour l’école m’influençait moins/Comment leur dire que les poèmes d’Appolinaire ont moins de verve que Demain c’est loin. », en référence à l’un des meilleurs titres du groupe marseillais IAM. Côté featurings, Youssoupha s’est entouré des membres de la Bomayé Team (son label) pour « Gester » (comprenez agir avec folie, fantaisie, décalage), à savoir S-Pi, Sam’s et Taïpan : (« Pas de cocaïne, j’ai le nez dans la poudre à canon ! »), mais également de Corneille et Indila, qui assurent chacun leur tour un refrain.
De la conception de la pochette (concoctée par Fifou), transgressant les codes de l’esthétisme et de la beauté (l’ange noir), jusqu’aux finitions musicales, rien ne semble avoir été laissé au hasard lors de la réalisation de Noir Désir. Chaque rime, chaque phrase, chaque parole semblent avoir été minutieusement pesées : « Comme dans la chanson française, incarnée par des chanteurs tels que Renaud ou Brel, qui m’inspirent énormément, j’ai constamment cherché le « mot juste ». », nous confie-t-il. « Prims Parolier » ne décevra certainement pas les nombreux fans qui avaient placé tant d’espoir en lui. Le concert du 7 mai prochain à l’Olympia sera le point d’orgue d’une année 2012 marquée au fer rouge par notre artiste, dont la suite de la carrière ne laisse présager que le meilleur !
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