11.10.2018 / Vernier sur Rock
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Après une arrivée sans préavis sur la scène hexagonale, d’un EP acclamé tant par la critique que par le public et une tournée partout en France, voici enfin Vertigo. Un premier album à la hauteur de tout ce qu’on pouvait imaginer de la part de Simone Ringer (chant), Raoul Chichin (guitare), Joseph Delmas (guitare) et Clément Aubert (basse).
Bonne nouvelle, Minuit a préservé sa manière de travailler à l’instinct, celle qui est la sienne depuis sa formation, en 2013, à l’initiative de Raoul et Joseph, qui, partageant une passion commune pour la guitare, électrique de préférence, sont vite rejoints par Clem et Simone. S’y rajoute un fort penchant pour les arrangements et la production, assurée par leur complice Azzedine Djelil. Ici, le groupe affirme son aptitude à transcender les contrastes entre sentiments bruts et mélopées entraînantes. Si la mode est aux atmosphères hip-hop et urbaines, Minuit s’affranchit des tendances en préférant cultiver son jardin rock’n’roll… sans oublier que les solos de guitares peuvent s’habiller d’échos synthétiques. Musiciens accomplis, les membres de Minuit sont à la fois des bêtes de scène et des ermites de studio. Et c’est à Paris, leur bercail, qu’ils ont enregistré Vertigo.
L’amour, l’amitié, la solitude, la ville, l’ailleurs, les addictions, l’onirique… S’ouvrant sur un clin d’œil fiévreux à Blondie, Vertigo est un album hautement visuel et foisonnant. Live également, puisque certains de ses morceaux ont d’abord été testés sur scène avant d’être façonnés en studio. Ils sont tour à tour sensuels (« Paris Tropical », « Moaning for Your Love », « Obsession », que l’on déclare d’ores et déjà tube de l’année 2018), mélancoliques (« Cimetière des amitiés »), nostalgiques (« Oran »), inquiétants (« Glacial », « Harry Tueur »). Et toujours sensationnels, au sens propre du terme et à l’image du morceau-titre. Clin d’œil à Alfred Hitchcock ? Non, car Minuit puise ses références cinématographiques quelque part entre Disney et Stanley Kubrick. Vertigo désigne donc le déséquilibre fantasque qui peut régir nos vies, celui de la chute d’Alice au Pays des Merveilles.
Écho à l’heure de minuit affichée sur les horloges, le vertige symbolise ce glissement du réel à l’imaginaire nourrissant chaque chanson écrite par Simone, songwriteuse en chef du groupe. Côté textes, elle s’inspire aussi bien de Mylène Farmer que de Polnareff, du Gainsbourg de Lemon Incest, que des bandes dessinées d’Alejandro Jodorowsky, pour leur aspect mystique et futuriste. En résulte un amour du mot simple, des sonorités voisines et complémentaires, des tournures poétiques sans esbroufe : « Et le soleil gris de Paris brille enfin sur nous aussi » ; « Je laisse la mer me prendre dans ses vagues, je laisse faire, à deux doigts de la noyade » ; « Comme un éclair de strass vibrant dans la nuit, galopent les soupirs des cœurs oubliés » ; « Sur l’écran, je m’éclate la rétine, poison violent, c’est mon amphétamine ». Ainsi, la mélancolie se twiste de rythmiques imparables, celles du funk, du disco ou du punk, et des mélodies accrocheuses.
Aucun sens de la posture chez les membres de Minuit qui ne veulent pas mentir ou pratiquer les subterfuges. Ils revendiquent être des amis où chaque individualité discute ses choix, formant une bande qui fait front sur scène et entraîne le public dans sa folle danse. Influencé par Michael Jackson (toutes périodes confondues !), Chic, Billy Idol, Beck, Lana del Rey, Steve Stevens, Goldfrapp, LCD Soundsystem, T. Rex et autres grandes figures tutélaires du glam rock, Vertigo témoigne de cette énergie débordante. Graphiste de formation, Simone traduit en images, via l’identité visuelle du groupe, la musique de Minuit. On pense aux grands courants pop, des pochettes des années 60 façon Storm Thogerson au cultissime magazine Toilet Paper de Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari... Immédiat, décalé, coloré, saturé. À l’instar du son rock de Minuit, qui coule désormais dans nos veines, nos yeux et nos oreilles.
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